Si nous avons déjà suggéré quelques pistes pour préparer vos premières heures d’enseignement, c’est parce que nous savons que le premier cours - et surtout votre attitude lors de celui-ci - jouera un grand rôle sur le reste de votre semestre avec une classe.
Car même si votre programme est “au poil”, et même si vous êtes infaillible dans le domaine que vous allez enseigner, la façon dont vous aller apporter cette connaissance à vos étudiants, votre “style”, dira forcément quelque chose de vous, et pourra soit faciliter votre rapport à l’étudiant (cet être impitoyable qui ne fait pas de cadeau!), soit le rendre difficile et tendu.
Voici donc une liste de points – certains pourront vous paraître évidents ! - à prendre en considération avant de vous lancer dans l’arène, ou sur scène. Car c’est un fait, l’enseignant, quand il entre dans la classe, n’entre pas exactement en tant que l’individu qu’il est le reste du temps. Il met alors une autre “casquette”, un autre costume qu’il tient à lui-seul de concevoir.
Les premières impressions, ça se travaille!
La technique McGonagall.
N’hésitez pas à être ferme : quitte à passer pour le Professeur McGonagall (oui nous faisons des références littéraires), vous pouvez montrer une certaine “rugosité” lors des premiers cours, même si celle-ci est complètement artificielle. Dès le début, dire “Non là ça va pas être possible, vous ne pouvez pas arriver avec 15 minutes de retard, et la prochaine fois vous ne rentrerez pas”, expliquer la différence entre une absence justifiée (avec, par exemple, la présentation d’un certificat) et une absence non justifiée, demander aux étudiants de faire le silence quand vous parlez sont autant de détails qui montreront à vos étudiants que vous n’en êtes pas à votre première classe...même si vous l’êtes!
Vous vous détendrez après.
Par ailleurs, souvenez-vous qu’être “strict•e” ne vous empêche pas d'établir un dialogue et une ambiance décontractée : si vous voulez faire des blagues (qui tomberont à plat, parfois - ou souvent, dans le cas de l’auteur de cet article), allez-y! Vous pourrez toujours blâmer le professeur en vous, et non vous directement.
Discipline : Choisir son camp
En matière de discipline, vous pouvez choisir votre camp. Par exemple, s’il y a trop de bruit, vous pouvez élever la voix ou arrêter de parler. Les deux techniques peuvent très bien fonctionner. Si vous avez une petite voix qui ne porte pas à plus de deux mètres, vous risquez de :
1)Perdre votre voix et finir aphone avant la fin de votre doctorat
2)Perdre toute crédibilité face à vos étudiants (“S’il vous plait, arrêtez, arrêtez, ARRÊTEZ! * voix cassée*).
Au sujet de la voix, il peut être intéressant d'apprendre à la placer correctement ; les techniques du théâtre peuvent servir pour ne pas se retrouver aphone après 3h de TD. De même, les techniques de respiration, les exercices d'échauffements de la voix sont des outils intéressants.
Une piste d'ouvrage : QUENTIN, Gérard. Enseigner avec aisance grâce au théâtre. Chronique sociale, 1999.
Ce que vous pouvez faire pour vous éviter ces situations inconfortables, c’est tenter le silence gênant, qu’il faudra toujours accompagner du fameux regard belliqueux (celui qui veut dire “Je suis encore calme mais je suis à deux doigts d’envoyer un crayon entre les deux yeux de l’un d’entre vous”).
Le regard belliqueux, qu’on peut aussi appeler “regard de la folie”.
Pour les sanctions, il vous revient également de décider ce qui sera le plus approprié. Vous pouvez essayer de discuter avec vos étudiants pour les faire prendre en considération leur manque de civisme (technique rarement efficace), menacer de faire baisser leurs notes (moins éthique, mais bien plus efficace), ou passer à des choses plus radicales comme l’exclusion momentanée du cours. Toutefois, même s'il est difficile de trouver des informations claires à ce sujet (entre ce que font vos collègues et ce qu'autorise l'Université), il semble que seule la section disciplinaire de votre université puisse sanctionner un étudiant.
Par exemple, ici, les bilans de la section disciplinaire de l'Université Panthéon-Assas : plus de sanctions liées à des cas de triche en examen qu'à des problèmes de comportement (il n'est peut-être pas forcément évident de saisir cette section pour des bavardages récurrents de vos étudiants...).
Cependant, souvenez-vous que l’étudiant n’est pas l’ennemi numéro 1: vous travaillez avec lui et lui avec vous, et on devient difficilement constructif dans un système de menace ou de sanction systématisée. Essayez simplement de trouver la juste mesure.
Tutoiement ou vouvoiement ?
Ceci est une vraie question qu’il est mieux de se poser avant le premier jour de cours.
Quand T. a commencé à enseigner à l’université, rassurée par l’âge de ses étudiants - qui était proche du sien - elle a immédiatement tutoyé ses étudiants...avant de se rétracter pour revenir - dès la deuxième semaine - au vouvoiement (les étudiants n’ont pas remarqué - ou n’ont fait aucun commentaire à ce propos). Pour elle, le “vous” signifie immédiatement: “j’ai peut-être le même âge que vous, mais c’est moi qui suis en charge à cet instant”. La différence d’ambiance entre les deux cours (incontrôlable la première fois - plus détendue et silencieuse la seconde) a prouvé à T. que le vouvoiement l’aiderait à acquérir un statut d’enseignant qu’elle ne s’était - en fait - même pas octroyé auparavant.
Car ce qu’il est aussi important de noter, c’est que personne ne voudra croire à votre légitimité d’enseignant si vous n’êtes pas sûr vous-même de celle-ci. Utilisez la méthode Coué et répétez-vous “je suis un enseignant légitime, je suis un enseignant légitime…”, jusqu’à ce que vous finissiez par y croire!
“Dis moi comment tu t’habilles, je te dirai quel enseignant tu fais.”
Avant le premier jour d’enseignement, c’est comme pour les rentrées quand on est encore de l’autre côté : on peut se demander ce qu’on va bien pouvoir mettre.
La difficulté de choisir notre tenue de doctorant enseignant est peut-être révélatrice de l’ambiguïté de statut de celui-ci : il est encore étudiant, jeune, avec un style pas forcément très sobre ou sérieux (disons qu’on se balade rarement en tailleur). Or cet accoutrement fonctionne-t-il pour enseigner et rester crédible? Faut-il s’acheter une veste à velours côtelée marron avec des coudières pour avoir l’air d’un prof ?
Le mieux qu’on puisse dire, et même si cela ressemble plutôt au slogan d’un marque de cosmétiques, c’est : faites comme vous le sentez le mieux.
Certains ne vont rien changer à leur façon de s’habiller, d’autres vont acheter des “vêtements de profs” pour les jours de cours, certains vont proscrire le jean...Il y a des dizaines de possibilités, et vous pouvez tester ce qui vous convient le mieux. L’important est de se sentir assez à l’aise pour devenir orateur et leader pendant quelques heures. Certains conseillent le blazer : simple, efficace.
A. raconte qu’elle a systématiquement porté des chaussures à talons lors de ses débuts en tant qu’enseignante: cela lui permettait de se sentir “maître et possesseur” de son cours.
M., inscrite en deuxième année, nous a confié qu’elle portait des “vêtements de profs” lors de sa première année mais qu’elle a désormais décidé de s’habiller comme elle l’entendait (en nous précisant que sa dernière tenue en courant était une robe à léopards multicolores. P., elle, va enseigner en jogging.)
L’avantage de porter une tenue qui traduit votre jeunesse et votre inexpérience est que vous pourrez vous “fondre dans la masse”, et passer pour un étudiant lorsque vous vous déplacez sur le campus (ce qui a quelque chose de jouissif, bizarrement).
Chloé Duprès nous éclaire sur la tenue du jeune prof de moins de 30ans
Vous avez décidé quel degré de rigueur vous pensiez adopter? Vous avez testé votre cri de rappel à l’ordre devant le miroir de la salle de bain? Votre tenue du DE est prête et repassée? Vous êtes sans doute paré pour vos premiers cours. Bon courage, et n’oubliez pas que l’une des qualités principales d’un bon doctorant-enseignant, c’est l’adaptabilité et la flexibilité, et que, même si votre premier cours n'était pas aussi carré que ce que vous espériez, il n'est jamais trop tard pour y réfléchir !
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