On constate que l’abandon d’un étudiant est souvent attribué par les professeurs à des raisons différentes de ce que l’étudiant a retenu de son expérience (ou de ce que les autres étudiants en ont retenu) ou différentes de celles pour lesquelles il abandonne réellement. Comme les absents ont toujours tort, on suppose simplement que ceux qui abandonnent « n’avaient pas ce qu’il fallait », ou encore que le comité de sélection n’avait pas choisi les bons candidats pour le programme. Non seulement le blâme est alors rejeté sur ceux qui partent, mais cette attitude masque des problèmes enracinés qui risquent de se perpétuer s’ils ne sont pas sérieusement examinés. En outre, ces raisons ne collent pas aux résultats de la recherche qui confirment que les étudiants qui abandonnent sont tout aussi bien préparés pour les travaux universitaires que ceux qui terminent.
Bien qu’il n’y ait pas de raison unique, mais plutôt une combinaison de raisons, pour lesquelles les étudiants abandonnent, un élément majeur à retenir de la recherche effectuée à ce sujet est l’importance capitale de la relation entre un étudiant et son superviseur. Non seulement cette relation est-elle déterminante pour la réussite d’un étudiant, mais elle orientera sa future carrière (universitaire). Le livre de Barbara Lovitt, Leaving the Ivory Tower, confirme, par exemple, que les superviseurs qui ont déjà aidé des doctorants à terminer leurs programmes d’études sont ceux qui seront le plus enclins à continuer de le faire. Les raisons sont complexes. Ces superviseurs ont généralement une relation de donnant-donnant avec leurs étudiants plutôt que de les laisser à eux-mêmes. Ils les appuient, les soutiennent, et se soucient de leur développement intellectuel et de leur bien-être général. Ils facilitent la « professionnalisation » des étudiants ainsi que leur intégration sociale et intellectuelle au sein du département et de la discipline par une multitude de pratiques.
Comme bien d’autres enjeux relatifs à l’éducation, l’abandon a de nombreuses causes. Bien qu’il existe des professeurs qui mettent déjà en pratique les bons conseils de Mme Lovitts (et des autres chercheurs), et des étudiants qui ne travaillent pas assez ou qui ne devraient même pas s’être inscrits à un programme de doctorat, quand vient le temps de trouver des solutions, la nature de la relation entre un étudiant et son superviseur devrait être au cœur de l’enquête et de l’intervention. Toute relation va dans les deux sens.
La responsabilité, par exemple, est un enjeu qu’il serait important d’aborder. Les attentes des étudiants à l’égard des superviseurs doivent être claires, et le savoir institutionnel et professionnel (si essentiel à la réussite des étudiants aux cycles supérieurs) doit être explicite plutôt que laissé au hasard. Si les étudiants comprennent ce à quoi s’attendre d’un bon superviseur et ce qu’on attend d’eux, ils seront en mesure de prendre des décisions éclairées concernant cette importante relation professionnelle, et savoir si la relation fonctionne ou non.
Dans certains cas, le changement souhaité peut prendre du temps et exiger une mûre réflexion, car il est démontré que le problème va bien au-delà des pratiques à adopter par les professeurs et les étudiants. Le problème peut se situer dans la culture même du département ou du programme d’études, voire être dans la nature même du milieu universitaire. Nous devons donc nous demander de quel type d’universités voulons-nous et quel type de professeurs y travaillera. Par exemple, lorsque les étudiants mentionnent avoir des « problèmes personnels » (comme c’est le cas pour plusieurs d’entre eux), comprenant du stress lié aux relations personnelles et aux exigences d’élever des enfants, est-ce qu’il faut forcément les considérer comme mal adaptés au milieu universitaire sous prétexte qu’ils souhaitent avoir une vie équilibrée?
L’état d’« insatisfaction » des étudiants au doctorat ne doit pas être négligé et considéré simplement comme la plainte continuelle des inaptes. Lorsque les étudiants ne savent pas à quoi s’attendre, ils ne peuvent pas prendre de décisions ni adopter un comportement conforme aux attentes; lorsqu’ils ne reçoivent pas le soutien adéquat, ils ne savent pas nécessairement comment obtenir ce qu’il leur manque, en fait, ils ne savent parfois même pas qu’il leur manque quelque chose (jusqu’à ce qu’il soit trop tard).
En ne tenant pas compte de ces préoccupations, ne risquons-nous pas de reproduire ce qui est peut-être le pire aspect de la vie universitaire, c’est-à-dire le « baptême de feu »? Ceux qui surmontent cette épreuve sont souvent considérés comme ayant les qualités requises pour s’adapter à la vie universitaire, mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas. Ainsi, même si les taux d’abandon sont bas au Canada, il nous faut trouver des solutions appropriées.
Melonie Fullick est étudiante au doctorat à l’Université York. Ses travaux portent sur les politiques d’éducation postsecondaire au Canada et leurs effets sur le cadre institutionnel des universités. Vous pouvez lire son blogue .
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