u égard aux nombreuses remarques, mêlées tantôt d’étonnement, tantôt de scepticisme, qui me sont adressées lorsque je fais le récit de ma première année de contrat doctoral, qui est aussi celle de la naissance de ma fille, il me semble important de partager mon expérience afin d’infirmer l’idée selon laquelle études et maternité ne peuvent guère se côtoyer.
Ma démarche sera simple : elle consistera à déjouer plusieurs préjugés sur la question et à rassurer ceux ou celles qui souhaitent mener de concert ces deux beaux et honorables projets que sont la thèse et l’accompagnement d’un enfant dans les premières années de sa vie. Aucun prosélytisme de ma part : je n’ai nullement l’intention d’encourager la natalité pendant la thèse ! J’aborderai chronologiquement chacune des questions, tant d’ordre personnel que d’ordre administratif et professionnel, qui se posent au gré des années de doctorat.
Disons d’emblée qu’il n’y a pas de période plus propice qu’une autre pour se lancer dans un projet de grossesse pendant la thèse. Je connais une jeune femme qui a donné naissance à son 4è enfant six mois à peine avant de soutenir une thèse unanimement saluée par le jury ! Dans mon cas, mes recherches n’en étaient qu’aux prémisses lorsque ma fille est née. Quel que soit le cas de figure, les débuts de la maternité nous imposent une vie plus sédentaire qu’à l’ordinaire – mais là encore, la contrainte varie selon les choix d’allaitement, de mode de garde qui sont faits – et nous obligent à renoncer à certains déplacements. Néanmoins, il suffit déjà de ne pas habiter dans la ville de son université pour être confronté parfois à de telles frustrations. Pour ma part, je n’avais pas prévu de colloques cette année-là et j’ai pu compenser au cours des années suivantes. N’oublions pas, enfin, qu’un nourrisson dort normalement beaucoup et laisse du temps pour travailler !
Il va de soi qu’un mode de garde doit être envisagé rapidement : s’il est aisé de travailler jusqu’au premier anniversaire de son enfant, il est presque impossible, à partir de là, de s’adonner sérieusement aux tâches universitaires tout en s’occupant de lui. L’on est trop souvent sollicité, sans compter que la mise en concurrence des deux projets nuit et à l’un et à l’autre : soit l’on culpabilise de ne pas travailler, soit l’on s’en veut de ne pas consacrer assez de temps à son enfant. Mieux vaut accepter de ne pas être à ses côtés au cours de la journée et partager avec lui les heures de la fin d’après-midi jusqu’à la soirée.
Oui. Quand bien même la future mère serait semestrialisée et devrait partir au début du mois de novembre en congé de maternité, on ne peut légitimement pas l’en empêcher. Toutefois, je suppose que chaque université procède comme elle l’entend. En outre, le savoir-vivre veut que l’on prévienne le département dont on dépend afin que les responsables puissent prévoir le remplacement des cours.
À Paris III, non seulement la naissance de ma fille a été accueillie avec chaleur, mais j’ai été remplacée pendant mon congé de maternité et déchargée de la correction des copies de partiel. Par politesse et par solidarité pour mes collègues, j’ai proposé d’assurer moi-même ces corrections, dans la mesure où l’on me faisait parvenir les copies. J’ai aussi indiqué que l’on pouvait aménager mon travail sur l’année– j’étais semestrialisée – de façon à rattraper d’une autre manière les quelques heures manquantes. L’on m’a rétorqué qu’il n’y avait aucune raison que je ne bénéficie pas des conditions dont jouissent les futures mères pendant un congé de maternité.
Je rappelle que le contrat doctoral doit faire apparaître un alinéa relatif aux congés maladie et autres absences. Toute doctorante peut donc demander la prolongation de la durée de son contrat, soit 4 mois, à l’issue des trois années officielles de son contrat. J’ignore, en revanche, comment se présente la situation lorsqu’on est ATER, mais dès lors que l’on souscrit à un contrat de travail, l’on bénéficie d’une protection sociale et de droits.
La réponse est oui, dans la mesure où chacun est libre de penser que la priorité doit être donnée à la thèse sur l’établissement d’une vie de famille. À l’inverse, j’ai déjà été félicitée de conjuguer les deux au nom de principes tout à fait personnels. Ceci dit, l’on peut aussi être en couple avec quelqu’un qui a déjà des enfants, sans que personne n’en sache rien.
De façon générale, la sollicitude vis-à-vis de nos collègues et de nos responsables est récompensée par celle des différents interlocuteurs auxquels nous avons affaire au cours de la thèse. Il suffit de prévenir tous ceux qui pourraient être importunés par notre absence – programmée ou non… certains congés sont anticipés contre notre gré. J’avais personnellement fait le choix d’avertir mon directeur de thèse et mon département de recherche avant même le début des cours, afin de prévoir d’éventuels remplaçants en cas de problème.
Aucune université ne peut en théorie refuser d’attribuer un contrat sous prétexte que la doctorante est enceinte et ne pourra, par conséquent, se consacrer pleinement à sa thèse. En pratique, rien n’empêche de maquiller les raisons qui ont prévalu à ce refus… C’est un risque à prendre.
De fait, il n’y a pas de doctorant modèle. Tel croit être beaucoup plus efficace parce qu’il n’a pas à consacrer de temps à un enfant qui sacrifiera plusieurs heures de travail hebdomadaires pour une passion, un loisir, une cause, ou pour des raisons familiales ou personnelles… En un sens, je m’aperçois que l’organisation de mes journées, conditionnée par le rythme de mon enfant, m’a appris à être très efficace. Ne généralisons pas : il faut du temps pour faire de la recherche, mais il n’est pas rare que l’on mène plus rondement son travail lorsqu’on sait que notre journée s’achève à 16h30 que lorsqu’on ne donne aucune limite à son emploi du temps.
Je terminerai par une remarque simple : tout est question de priorité. Il est des années où l’on privilégie les cours, d’autres où la rédaction passe avant toute chose. La grossesse et l’éducation d’un jeune enfant ne sont qu’une variable supplémentaire, au même titre que notre vie sentimentale. L’essentiel consiste d’abord à assumer son choix, à accepter les contretemps et à s’accorder une marge de manœuvre afin de ne pas être pris au piège par un calendrier trop serré.
par Bénédicte Peslier-Peralez Membre de l'assocation Enthèse
Source :http://enthese.hypotheses.org/157
Ma démarche sera simple : elle consistera à déjouer plusieurs préjugés sur la question et à rassurer ceux ou celles qui souhaitent mener de concert ces deux beaux et honorables projets que sont la thèse et l’accompagnement d’un enfant dans les premières années de sa vie. Aucun prosélytisme de ma part : je n’ai nullement l’intention d’encourager la natalité pendant la thèse ! J’aborderai chronologiquement chacune des questions, tant d’ordre personnel que d’ordre administratif et professionnel, qui se posent au gré des années de doctorat.
Comment concilier la thèse et l’arrivée d’un enfant, voire plus généralement, la thèse et la présence d’un enfant chez soi ?
Disons d’emblée qu’il n’y a pas de période plus propice qu’une autre pour se lancer dans un projet de grossesse pendant la thèse. Je connais une jeune femme qui a donné naissance à son 4è enfant six mois à peine avant de soutenir une thèse unanimement saluée par le jury ! Dans mon cas, mes recherches n’en étaient qu’aux prémisses lorsque ma fille est née. Quel que soit le cas de figure, les débuts de la maternité nous imposent une vie plus sédentaire qu’à l’ordinaire – mais là encore, la contrainte varie selon les choix d’allaitement, de mode de garde qui sont faits – et nous obligent à renoncer à certains déplacements. Néanmoins, il suffit déjà de ne pas habiter dans la ville de son université pour être confronté parfois à de telles frustrations. Pour ma part, je n’avais pas prévu de colloques cette année-là et j’ai pu compenser au cours des années suivantes. N’oublions pas, enfin, qu’un nourrisson dort normalement beaucoup et laisse du temps pour travailler !
Il va de soi qu’un mode de garde doit être envisagé rapidement : s’il est aisé de travailler jusqu’au premier anniversaire de son enfant, il est presque impossible, à partir de là, de s’adonner sérieusement aux tâches universitaires tout en s’occupant de lui. L’on est trop souvent sollicité, sans compter que la mise en concurrence des deux projets nuit et à l’un et à l’autre : soit l’on culpabilise de ne pas travailler, soit l’on s’en veut de ne pas consacrer assez de temps à son enfant. Mieux vaut accepter de ne pas être à ses côtés au cours de la journée et partager avec lui les heures de la fin d’après-midi jusqu’à la soirée.
Peut-on facilement faire reconnaître et valoir son congé maternité par l’administration lorsqu’on souscrit à un contrat doctoral ?
Oui. Quand bien même la future mère serait semestrialisée et devrait partir au début du mois de novembre en congé de maternité, on ne peut légitimement pas l’en empêcher. Toutefois, je suppose que chaque université procède comme elle l’entend. En outre, le savoir-vivre veut que l’on prévienne le département dont on dépend afin que les responsables puissent prévoir le remplacement des cours.
À Paris III, non seulement la naissance de ma fille a été accueillie avec chaleur, mais j’ai été remplacée pendant mon congé de maternité et déchargée de la correction des copies de partiel. Par politesse et par solidarité pour mes collègues, j’ai proposé d’assurer moi-même ces corrections, dans la mesure où l’on me faisait parvenir les copies. J’ai aussi indiqué que l’on pouvait aménager mon travail sur l’année– j’étais semestrialisée – de façon à rattraper d’une autre manière les quelques heures manquantes. L’on m’a rétorqué qu’il n’y avait aucune raison que je ne bénéficie pas des conditions dont jouissent les futures mères pendant un congé de maternité.
Je rappelle que le contrat doctoral doit faire apparaître un alinéa relatif aux congés maladie et autres absences. Toute doctorante peut donc demander la prolongation de la durée de son contrat, soit 4 mois, à l’issue des trois années officielles de son contrat. J’ignore, en revanche, comment se présente la situation lorsqu’on est ATER, mais dès lors que l’on souscrit à un contrat de travail, l’on bénéficie d’une protection sociale et de droits.
La conciliation des deux projets peut-elle être mal reçue par le milieu universitaire ?
La réponse est oui, dans la mesure où chacun est libre de penser que la priorité doit être donnée à la thèse sur l’établissement d’une vie de famille. À l’inverse, j’ai déjà été félicitée de conjuguer les deux au nom de principes tout à fait personnels. Ceci dit, l’on peut aussi être en couple avec quelqu’un qui a déjà des enfants, sans que personne n’en sache rien.
De façon générale, la sollicitude vis-à-vis de nos collègues et de nos responsables est récompensée par celle des différents interlocuteurs auxquels nous avons affaire au cours de la thèse. Il suffit de prévenir tous ceux qui pourraient être importunés par notre absence – programmée ou non… certains congés sont anticipés contre notre gré. J’avais personnellement fait le choix d’avertir mon directeur de thèse et mon département de recherche avant même le début des cours, afin de prévoir d’éventuels remplaçants en cas de problème.
Aucune université ne peut en théorie refuser d’attribuer un contrat sous prétexte que la doctorante est enceinte et ne pourra, par conséquent, se consacrer pleinement à sa thèse. En pratique, rien n’empêche de maquiller les raisons qui ont prévalu à ce refus… C’est un risque à prendre.
De fait, il n’y a pas de doctorant modèle. Tel croit être beaucoup plus efficace parce qu’il n’a pas à consacrer de temps à un enfant qui sacrifiera plusieurs heures de travail hebdomadaires pour une passion, un loisir, une cause, ou pour des raisons familiales ou personnelles… En un sens, je m’aperçois que l’organisation de mes journées, conditionnée par le rythme de mon enfant, m’a appris à être très efficace. Ne généralisons pas : il faut du temps pour faire de la recherche, mais il n’est pas rare que l’on mène plus rondement son travail lorsqu’on sait que notre journée s’achève à 16h30 que lorsqu’on ne donne aucune limite à son emploi du temps.
Je terminerai par une remarque simple : tout est question de priorité. Il est des années où l’on privilégie les cours, d’autres où la rédaction passe avant toute chose. La grossesse et l’éducation d’un jeune enfant ne sont qu’une variable supplémentaire, au même titre que notre vie sentimentale. L’essentiel consiste d’abord à assumer son choix, à accepter les contretemps et à s’accorder une marge de manœuvre afin de ne pas être pris au piège par un calendrier trop serré.
par Bénédicte Peslier-Peralez Membre de l'assocation Enthèse
Source :http://enthese.hypotheses.org/157
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