Comment écrire sa thèse ? Quelques conseils

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J’ai participé la semaine passée à un atelier d’écriture organisé par la Conférence Universitaire de Suisse Occidentale, qui propose aux doctorants une formation très riche aux compétences transversales. Il s’agissait en l’occurrence de deux journées de formation sur le processus d’écriture académique : comment écrire une thèse, un article, ou une communication ? La formation m’a beaucoup appris et a le mérite d’expliciter certaines pratiques dont on ne parle pas toujours, que ce soit avec les autres doctorants ou avec son directeur de thèse. Donc voici ce que j’ai retenu de cet atelier. Cet atelier a été donné par Lea Sgier (Central European University/Université de Genève). Une nouvelle fois, j’utilise les illustrations de @Fantaroux , toujours aussi perspicaces et qui sentent le vécu !
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Ecrire tous les jours
Le premier conseil donné durant cet atelier est d’écrire tous les jours. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, et c’est en écrivant qu’on devient un bon écrivain, ou du moins un écrivain professionnel, ce qu’est le doctorant, et le chercheur de manière général. L’écriture est un travail, et s’il est utile de se former, il est surtout recommandé d’écrire, encore et encore, chaque jour ne serait-ce qu’une demi-heure. Pour cela, fixer une tranche horaire, tous les jours, à consacrer à l’écriture (sous toutes ses formes), peut-être une solution, surtout pour ceux qui auraient du mal à s’y mettre !
L’écriture comme processus
Pour bien comprendre ce qu’est l’écriture, et ne pas brûler les étapes, il est utile de considérer l’écriture comme un processus à trois ou quatre phases minimum. Pour commencer, on peut décomposer le processus d’écriture en deux temps : écriture créative et synthétique / écriture analytique et critique. La première, sans se préoccuper des détails, va à l’essentiel. La seconde au contraire, va dans les détails, et s’attache à structurer le texte et détailler l’argumentation, le contenu, etc.
L’intérêt essentiel de prendre conscience de l’écriture comme processus, c’est d’éviter de vouloir faire tout même temps : vouloir synthétiser et détailler de manière critique ou analytique au même moment, c’est comme vouloir faire deux opérations contradictoires en même temps.
D’abord, il convient d’écrire pour faire sortir les idées, puis on rectifie ce qu’on a écrit, on précise ce qu’on a voulu dire, dans un deuxième temps. On voit apparaître l’image d’une écriture par couches successives qui demande de  ne pas être trop perfectionniste, en tout cas pas tout le temps. Pas au début, mais plutôt à la fin.
1ère phase : C’est l’écriture synthétique : on écrit pour faire sortir les idées, sans se préoccuper des détails. L’une des techniques d’écriture pour cette phase : le free writing (voir plus bas).
2ème phase : Dans la deuxième phase, on s’intéresse au contenu, à la structure et à l’argumentation. Conseil général : être le plus clair possible, pour faciliter la lecture. Par exemple, éviter les métaphores, pour ne pas être seulement évocateur mais clair. C’est à l’auteur de faire l’effort d’être clair, et non au lecteur de deviner ce que j’ai bien voulu dire !
3ème phase : La troisième phase de l’écriture a pour objectif de réviser la langue et le style. Le but, dans tous les cas, est d’alléger le texte, de varier et de préciser ce que l’on a écrit.
4ème phase : Enfin, dans une dernière phase, souvent pénible, mais indispensable, viennent les soucis de la mise en page, de la révision des références, et de la bibliographie, ainsi que la ponctuation (cohérente d’un bout à l’autre bien sûr !).
La technique du free writing (1ère phase)
Pour débloquer certaines angoisses face à l’écriture, pour démarrer le processus d’écriture et retrouver une certaine fluidité, il existe différentes techniques d’écriture, dont le free writing. A faire au début d’une période de travail, ou pour faire un premier brouillon de texte. Pourquoi ? Parce qu’il est plus facile de commencer à écrire à partir d’un texte, même brouillon, qu’à partir de rien. Cette technique permet également d’être clair sur ce qu’on veut dire, car elle permet d’être synthétique. Ce type d’écriture fournit de la matière brute à mettre en forme par la suite. Pour l’avoir testé à plusieurs reprises depuis l’atelier, je dois avouer que cette technique marche, en tout cas pour moi, et qu’en plus de débloquer le processus d’écriture, lorsqu’on a du mal à s’y mettre, permet également de synthétiser de manière très rapide et efficace ce que l’on veut dire. J’ai utilisé cette technique pour synthétiser ce que je voulais dire dans un article, et ce que je voulais dire dans une communication à venir, et en 15 minutes à chaque fois j’étais au clair sur la direction où je voulais aller… Etonnant !
Pour ceux qui voudraient essayer, voici la méthode du free writing:
- Prendre un point de départ (thème, concept, phrase)
- Mettre une limite de temps (10, 15 ou 20 minutes)
- Ecrire tout ce qui vient à l’esprit, de préférence à la main
- Ne pas s’arrêter, pour aucune raison.
- Aucune correction
- Ne pas se préoccuper de grammaire, d’orthographe, de référence, ni même de structure : éviter toute censure de la pensée.
Un texte argumentatif (2ème phase)
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Un texte académique est un texte argumentatif. Il ne faudrait pas oublier que l’on doit convaincre le lecteur, et non seulement l’informer. La thèse n’est pas un manuel scolaire ! Il ne faut pas seulement dire pourquoi mon sujet m’intéresse (ça n’intéresse peut-être que moi), mais pourquoi le lecteur devrait le lire : quelle est la plus value de ma thèse, pourquoi un spécialiste du domaine devrait me lire, et pourquoi devrait-on me lire sans travailler sur le même sujet ? Mettre en avant, dès le début de la thèse, le caractère novateur de ma thèse et le clarifier tout au long de la thèse permettra ainsi de justifier auprès du lecteur, et probablement pour nous mêmes, autant d’efforts consentis pendant trois ou cinq ans, voire plus, pour ceux qui aiment ça !
Différence entre une thèse, un article et une communication
La thèse est plus élaborée qu’un article : on cite dans le détail, on déroule les arguments, on détaille le contexte, on documente. Il y a une dimension pédagogique dans la rédaction d’une thèse.
Dans un article, on supprime tout ce qui est déjà su, on se limite à un argument central, que l’on prouve à l’aide d’arguments très condensés. L’effort est logique plus que pédagogique.
Une communication est un article en phase de test !
Adapter le style à la longueur du texte
Plus le texte est long, plus on doit être clair sur la structure, car le lecteur ne lira pas tout d’un coup. On peut lire un article de 20 ou 30 pages d’une coup (et encore, dépend lesquels, c’est déjà trop long), mais on ne peut pas lire un livre de 200 pages ou encore moins une thèse de 400 pages en une seule fois. D’où la nécessité des paragraphes de transition entre chaque chapitre, pour passer d’une section à l’autre, et même d’un paragraphe à l’autre. Dans un article, ces paragraphes de transition sont inutiles, car trop répétitifs. On n’a pas besoin d’être aussi pédagogique, une phrase de transition suffira. Je pense que les mêmes conseils s’adresse à une communication orale, sauf à vouloir perdre la moitié de l’auditoire, ou à endormir tout le monde : être clair et bien montrer la structure de son texte, annoncer ce que l’on va dire au début, le dire, puis rappeler ce qu’on a dit à la fin…
Prévoir combien de temps prendra la rédaction de la thèse
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Pour éviter de devoir écrire la quasi totalité de sa thèse de 300 ou 400 pages dans les deux ou trois derniers mois, il peut être intéressant de prévoir le temps que prendra la rédaction de la thèse. Pour cela, il faudrait calculer, sur une semaine par exemple, le nombre de pages écrites, et en combien d’heures. Ce calcul très simple à réaliser permet de se donner une idée réaliste de sa vitesse réelle (et non idéale) d’écriture, afin de planifier à l’avance la rédaction d’un article, d’un chapitre de thèse, ou d’une communication. Il est important d’anticiper la rédaction de la thèse, ce sera d’autant plus agréable ! Pour prévoir au mieux le temps de rédaction, prévoir des étapes, calculer le temps nécessaire pour un chapitre par exemple, et calculer, à partir du nombre de page que ce chapitre doit faire, combien de temps cela va prendre. En faisant cela pour tous les chapitres de la thèse, on peut avoir une idée plus ou moins précise du temps dont on a encore besoin pour terminer la rédaction de la thèse, en sachant qu’une planification peut bouger tout au long de la thèse. Cela évitera peut-être les (trop) grosses surprises !
Chercher du feedback
L’autre conseil très important, c’est de toujours chercher à avoir un retour sur son travail. On a l’habitude de voir le travail du doctorant, plus particulièrement dans ses phases d’écriture, comme un travail solitaire, mais c’est en confrontant son écriture à la lecture des autres que le texte deviendra meilleur… L’écriture n’est donc pas un travail solitaire !
Il existe différents types de feedbacks, dont on a besoin à différents stades de l’écriture. Dans les premières phases de l’écriture, on peut rechercher du feedback positif, qui mettra en évidence ce qui va bien dans mon texte. Ensuite, on cherchera un feedback critique, mais toujours constructif, c’est-à-dire, si possible, qui donne des pistes d’amélioration. Auprès de qui ? Auprès des collègues, de son directeur de thèse, d’un ami, de sa famille, etc. Le lecteur est à adapter selon le type de feedback que l’on cherche, évidemment.
En espérant que ces conseils reçus lors de l’atelier d’écriture serve à d’autres doctorants, je vous souhaite une bonne rédaction !
Crédits: @Fantaroux et © Hergé / Moulinsart pour les images

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